Exposition: "NY love I", Saint germain en Laye, France

Galerie Jouan Gondoin
du 11 juin au 17 juillet 2010

Charles Bignon entre dans le vif du sujet en détournant l’une des images les plus représentatives des Etats-Unis : le logo créé en 1977 par Milton Glaser pour promouvoir le tourisme dans l’Etat (et non pas seulement la ville) de New York.

Donc Charles Bignon n’aime pas New York ? Ou les Etats- Unis ? Si on regarde la série de plus près, ce n’est pas tant la ville, l’état ou le pays queCharles Bignon dénonce, mais l’idée que véhicule les images qui leur sont associées…

Il m’a dit un jour ; « Les gens ne voient que la poudre aux yeux, que l’artifice développé pour encenser ce fameux American Way of Life, sans tout à fait comprendre ce que cela implique, ou sans vouloir le voir… »

En fait, Charles Bignon utilise NY comme icône - comme l’a fait Warhol avec la boite de soupe Campbell - pour parler d’une situation, pour réfléchir à cette façon de communiquer, de vivre et d’appréhender le monde qui nous entoure…Il montre la réalité de New York, et par là même, celle du monde occidental :après l’attentat du 11 septembre 2001, la ville de New York mixe la beauté etles couleurs avec la peur et l’effroi, comme un symbole de cette dichotomie d'existence urbaine. La beauté et l'intérêt d'une grande ville juxtaposée avec une paranoïa surdimensionnée.

Influencé par le Pop Art, mais aussi par les Comics, la culture Hip-Hop… on pourrait croire que Charles Bignon est un amoureux de la culture américaine. Non. C’est juste un enfant de la modernité, qui a été élevé avec les personnages et les marques de la mémoire collective occidentale. Son atout est de prendre le contre-pied de cette éducation, d’avoir du recul et donc d’entrevoir ce qui ne va pas derrière tout ce qui éblouit…Le fondement de sa démarche créative est de détourner les icônes représentatives, symboles en leur temps d’un monde, d’une nation occidentale en pleine expansion. Représentation subjective des personnages connus parleur nom ou leur image, palette chromatique savamment choisie pour appuyer le propos (les trois couleurs du drapeau américain), Charles Bignon s’inscrit dans la scène post-graffiti pour nous livrer une création contemporaine et engagée. Il utilise une imagerie
immédiate, brutale comme support de cette dénonciation des actions égoïstes liées à la société moderne, promesses d’accès au bonheur ou du moins au plaisir, en nous intégrant tous à la masse.

Il stigmatise alors les objets de consommation, de communication, et met àjour les méandres de la société : l’adversité, la solitude, l’avidité, l’autorité exacerbée…
Charles Bignon est fasciné par l'efficacité de ces représentations populaires où
les objets et les passions sont réduits à un essentiel accessible et anonyme. Les
couleurs sont posées en aplats, sans nuance. Ce sont des blocs de couleur uniformes qui se juxtaposent, comme les pièces d’un puzzle. Il n’y a plus l’effet des ombres et de la lumière, juste l’expression de la situation, sans sentiments. L’image est dépouillée, réduite à ses traits essentiels. La forme acquiert alorsune plus grande efficacité visuelle.

Le travail de Charles Bignon est hétéroclite et résolument inscrit dans la modernité. Avec des scènes urbaines expressionnistes, il peint l’âme etl’absence d’âme de notre société contemporaine.

Qu’on ne s’y trompe pas, le titre de sa série est plus une critique sociale que
géopolitique. Voilà un artiste contemporain : il mixe les techniques et influences, réagit au monde qui l’entoure, avec le sens de l’esthétisme. Un homme de coeur, sensible et engagé, mais surtout un artiste entier !

Marie Jouan Gondoin